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M. Jean-Luc LagleizeDate : jeudi 16 juillet 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
Cette proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales est la transcription législative des travaux du Grenelle des violences conjugales et je me réjouis de la volonté de mettre en œuvre les conclusions de cet exercice démocratique inédit dans les meilleurs délais.
Le Grenelle contre les violences conjugales, lancé le 3 septembre 2019, a donné lieu à 102 évènements locaux, mobilisant plus de 4 550 personnes et déployant 51 comités locaux d’aides aux victimes sur le territoire. Après une intense période de consultation, il s’est clôturé le 25 novembre 2019 avec la publication de 30 mesures pour combattre le fléau des violences faites aux femmes, pour prévenir les violences et protéger les femmes et leurs enfants, partout et à tout moment.
Car cette année encore, les féminicides ne faiblissent pas : tous les deux ou trois jours, une femme est tuée par son conjoint ou son ex-conjoint.
Face à ce constat glaçant et inquiétant, cette proposition de loi vise à mieux protéger les victimes de violences conjugales.
Pour cela, elle permet la suspension du droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur pour le parent violent. Ce dispositif est un premier pas qui appelle à être renforcé par le développement d’espaces-rencontres sur tout le territoire. Ces espaces-rencontres doivent permettre d’exercer le droit de visite en cas de séparation des parents, lorsqu’il est maintenu, en lieu neutre, protecteur à la fois pour la mère et les enfants.
En cas de violence au sein du couple, le texte exclut la procédure de médiation pénale et encadre la médiation familiale devant le juge aux affaires familiales en cas de violence conjugale comme alternative aux poursuites. Cette avancée est à saluer car il ne peut y avoir égalité entre les parties lorsque l’une d’entre elles est sous emprise.
Cette proposition de loi décharge aussi de leur obligation alimentaire les ascendants et les descendants de personnes condamnées pour un crime ou un délit portant atteinte à l’intégrité de la personne commis par un parent sur l’autre parent. Là encore, il paraît évident de reconnaître que le meurtre de l’autre parent entraîne le délitement des liens familiaux.
Ce texte prévoit également des peines de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende dans les cas où le harcèlement moral au sein du couple conduit au suicide ou à sa tentative.
Il permet la levée du secret médical lorsque les violences mettent la vie de la victime en danger immédiat et que celle-ci se trouve sous l’emprise de leur auteur.
Le secret professionnel constitue évidemment l’un des fondamentaux de l’exercice médical et garantit la nécessaire relation de confiance entre un professionnel et un patient. Toutefois, dans des situations bien définies, la déontologie médicale exige de déroger au secret professionnel. Le code pénal prévoit ainsi ces dérogations pour les mineurs ou les majeurs vulnérables victimes de violences. Néanmoins, à ce jour, seulement 5% des alertes de mise en danger d’une personne pour violences conjugales sont données par des professionnels de santé.
Pour sauver des vies et protéger les victimes tout en sécurisant les professionnels, il sera donc possible mais non obligatoire pour ces derniers de déroger au secret médical en signalant l’existence d’un danger immédiat pour la victime, notamment en cas de risque de renouvellement des violences, lorsque son accord ne peut être obtenu. Je félicite d’ailleurs le travail de concertation mené avec le Conseil national de l’Ordre des médecins pour aboutir à cette mesure, qui témoigne de la mobilisation des professionnels de santé.
Au-delà de ces mesures législatives, je resterai attentif dans les mois et années à venir aux moyens financiers et humains octroyés pour lutter plus efficacement contre les violences faites aux femmes. Car outre un geste financier considérable envers les associations et initiatives locales qui œuvrent sans relâche dans ce domaine, la création de postes supplémentaires d’intervenants sociaux dédiés est nécessaire dans les commissariats et les gendarmeries de France, mais aussi au sein de la plateforme de signalement en ligne des violences (arretonslesviolences.gouv.fr) et du numéro d’écoute national pour les victimes de violences conjugales, sexistes et sexuelles (3919).
De même, alors que la période de confinement que nous venons de vivre a été propice à l’augmentation des violences conjugales, il est nécessaire de pérenniser les mesures spécifiques mises en œuvre durant le confinement : signalement des violences conjugales par SMS, auprès des pharmacies et dans les centres commerciaux et hypermarchés ; financement des nuitées financées pour mettre fin à la cohabitation avec les auteurs de violences.
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M. Raphaël GérardDate : mercredi 29 janvier 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
Raphael GERARD salue le dépôt de la proposition de loi n°2587 visant à protéger les victimes de violences conjugales, qui témoigne du souci porté par le législateur quant à l’amélioration du cadre législatif existant afin de mieux prévenir et mieux sanctionner les violences au sein des couples.
Pour autant, considérant que la proposition de loi se présente comme le résultat législatif des travaux de concertation engagés dans le cadre du Grenelle des Violences Conjugales, il regrette que celle-ci associe, dans son exposé sommaire, les violences commises au sein des couples à la seule réalité des violences faites aux femmes. Sans remettre en question les statistiques du ministère de l’intérieur - près de 81% des morts violentes au sein du couple concernent des femmes - qui attestent de la nécessité de mieux combattre les féminicides dans la sphère intrafamiliale, il convient de rappeler que 375 000 personnes subissent des violences physiques ou sexuelles au sein du ménage, indépendamment de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, d’après l’enquête de victimation « Cadre de vie et Sécurité » publiée chaque année par l’Observatoire de la délinquance et de la réponse pénale
Les réunions publiques organisées en région, dans le cadre du Grenelle, ont permis d’identifier des défaillances de la part de l’Etat dans la prise en charge des hommes victimes de violences ou des victimes au sein des couples de même sexe. Ce constat est documenté par les études sociologiques de François Bonnet qui montrent comment la théorisation des violences conjugales comme « violences contre les femmes », aussi bien dans la littérature scientifique que dans la statistique publique et dans les politiques publiques en France contribue à freiner la prise en charge adéquate de ces victimes.
Dans ce contexte, il eût été opportun que le législateur se saisisse du véhicule à sa disposition pour traduire dans le corps de la proposition de loi des recommandations formulées par les groupes de travail du Grenelle des Violences conjugales visant, d’une part, à « sensibiliser l’ensemble des acteurs et identifier des réponses adaptées à la situation des hommes victimes de violences au sein du couple » ou d’autre part, à « mettre en œuvre une formation adaptée des forces de l’ordre pour permettre un accueil bienveillant des victimes et des associations d’aide aux victimes afin de les sensibiliser sur les spécificités dont les personnes LGBT sont victimes ».
Si les dispositions relatives à la formation de chacune des professions concernées relèvent en grande partie de la compétence du pouvoir réglementaire, l’obligation de formation des professionnels concernés aux violences conjugales relève de la loi. Aussi, il eût été pertinent de garantir la neutralité et l’inclusivité de la loi en réintroduisant à l’article 21 de la n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants la notion de « violences commises au sein des couples » afin de sensibiliser l’ensemble des professions concernées à la pluricontextualité des violences au sein du couple qui ne se superposent toujours aux enjeux de lutte contre les violences faites aux femmes.
Une demande de rapport, dans une logique d’évaluation des politiques publiques, aurait pu ouvrir un espace de dialogue et de concertation pour que les services de l’Etat et l’ensemble des acteurs impliqués dans la prise en charge des victimes de violences conjugales s’interrogent sur la manière de mettre une œuvre une politique publique plus inclusive de l’ensemble des réalités des violences commises au sein des couples.
Enfin, la proposition de loi aurait également pu permettre de poser les bases légales à des expérimentations permettant d’adapter les dispositifs d’accompagnement et de prise en charge des victimes qui échappent aujourd’hui à l’imaginaire social sexué autour des violences conjugales.
En conclusion, Raphael GERARD affirme que la protection de toutes les victimes de violences conjugales passe, en premier lieu, par une libération de l’écoute des institutions.
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M. Alexandre FreschiDate : mercredi 29 janvier 2020Cible : Sur l'ensemble du texte
Membre du groupe de travail parlementaire sur le Grenelle des violences conjugales, je tiens à saluer l’excellent travail mené par ma collègue Mme Bérangère Couillard dans le cadre de l’élaboration de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales. Je souhaiterais néanmoins apporter plusieurs observations sur ce texte.
I. Un texte nécessaire qui complète l’arsenal juridique pour défendre les victimes
La présente proposition de loi est un texte à la fois attendu et nécessaire. Elle s’inscrit dans la lignée des préconisations du Grenelle des violences conjugales, lancé par le Gouvernement le 3 septembre 2019. Ce texte fait également écho aux importantes mesures votées dans le cadre de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences conjugales au sein de la famille dont je salue notamment les dispositions relatives à la suspension de l’exercice de l’autorité parentale en cas de poursuite ou de condamnation pour crime vis-à-vis du conjoint.
Le texte de ma collègue Mme Bérangère Couillard comporte des avancées tout aussi conséquentes que celles de la loi du 28 décembre 2019. A titre d’exemple, j’en citerai trois :
- L’interdiction des médiations familiales dans le cadre des articles 255 et 373-2-10 du code civil et des médiations pénales dans le cadre de l’article 41-1 du code de procédure pénale en cas de violences conjugales. De nombreuses associations soutenant les victimes ont souligné les conséquences négatives de ces mécanismes et la proposition de loi vient corriger cela.
- La décharge d’obligation alimentaire des descendants vis-à-vis du parent coupable de meurtre, d’assassinat, d’empoisonnement, de violences ayant entraîné la mort ou de tentatives de l’un de ces crimes. Rien ne justifie l’existence d’une telle obligation et j’espère voir cette mesure adoptée en lecture définitive.
- Le renforcement des sanctions en cas de harcèlement moral au sein du couple, à travers la modification de l’article 222-33-2-1 du code pénal, avec une aggravation des peines qui seront notamment portées à 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende si les faits ont conduit la victime à se suicider ou à tenter de le faire.
II. Des mesures sur la prévention des violences par l’éducation qui ne sont pas dans ce texte
Je soutiens qu’il eut été utile d’inclure dans le texte des mesures sur la prévention des violences par l’éducation. Le monde éducatif a vocation à jouer un rôle clé pour prévenir les futures violences conjugales mais aussi pour les détecter. Cette thématique a d’ailleurs été l’un des volets majeurs des Grenelles des régions qui ont inspiré la proposition de loi (la journée de travail de la Nouvelle-Aquitaine y a ainsi été entièrement consacrée).
Les règles de recevabilité des amendements à l’Assemblée nationale empêchent d’amender le texte pour y inclure de telles mesures car celles-ci ne présenteraient pas de lien direct avec les articles de la proposition de loi. L’unique partie du texte se rapprochant de cette thématique est le chapitre VIII relatif à la protection des mineurs et contient un article pour protéger les mineurs de la pornographie. Il n’est donc pas possible d’amender le texte pour y ajouter des mesures propres à l’éducation. Dans le même temps, l’existence même de cet article montre l’importance accordée par les auteurs du texte à la prévention des violences conjugales et sexistes chez les plus jeunes.
En outre, les violences conjugales ont indéniablement un très fort impact sur l’enfant et l’école a un rôle moteur à jouer pour lutter contre ce fléau. Cela appelle, me semble-t-il, à des réponses législatives et réglementaires - par exemple, à travers le renforcement des campagnes de sensibilisation déjà prévues à l’article L 312-17-1 du code de l’éducation ou encore via l’adoption de mesures sur la formation dans les INSPE, visée à l’article L 721-2 du même code, pour toujours mieux armer nos professeurs face aux violences conjugales.